[Témoignage] Si c'est un homme de Primo Levi
Si c'est un homme est le récit autobiographique de la déportation de l'auteur à Auschwitz de 1944 à 1945, son témoignage sur la vie, si l'on peut dire, dans les camps d'extermination tristement célèbres depuis la Seconde Guerre Mondiale. Il y raconte ce qu'il a vu et vécu de l'intérieur en omettant volontairement les choses qu'il a apprises par la suite (l'existence des chambres à gaz par exemple). A la lecture, on vit donc l'incertitude avec lui. Il n'a pas ajouté non plus de jugement, préférant se placer uniquement en témoin d'une neutralité étonnante. Aucune marque de rancoeur, aucune plainte, pas de haine, ni même de désespoir, rien de tout cela, juste les faits, sans exagération ni complaisance. La portée émotionnelle du texte en est décuplée.
A la fin du livre, on peut trouver un appendice où Primo Levi répond aux questions qui lui ont été régulièrement posées. C'est une partie très intéressante qui permet de comprendre un peu plus comment, à l'époque, on a pu laisser commettre de telles atrocités et pourquoi les victimes n'ont pas été en mesure de se révolter.
Si c'est un homme
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre coeur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.